"Histoire de la classification des nuages", Pour la Science, Dossier spécial hors série Vents et nuages , numéro 78 janvier-mars 2013.

 

Les noms des nuages reconnus internationalement ont été forgés au xixe siècle. Leur classification doit beaucoup aux progrès de la photographie qui a permis l'élaboration d'atlas valables en tout endroit du monde.

Cirrus, cumulus... Ces termes chantés par Goethe dans ses poèmes, sont aujourd'hui familiers. Pourtant, ils n'ont été inventés qu'au début du xixe siècle. Les nuages sont longtemps restés sans noms. Trônes des dieux, les nuées, lorsqu'elles sont décrites, le sont à l'aide de qualificatifs plutôt inquiétants : les nuages sont sombres, ou menaçants. Ceux dont la vie dépendait de la prévision du temps, tels les pêcheurs et les agriculteurs, se livrèrent à des observations qui nous sont parvenues sous la forme de dictons, par exemple « Ciel pommelé femme fardée sont de courtes durées ». Cependant, les savoirs populaires associés à la prévision du temps furent plus souvent liés aux mouvements des astres et aux comportements des animaux (chat, grenouille...) qu'à l'analyse des nuages.
Les mots de Lamarck

Pourtant, les essais de compréhension de la formation de ces phénomènes atmosphériques sont anciens, en témoigne la Météorologie d'Aristote, un traité qui commence par une étude sur la formation et la durée des nuages. Finalement, ce seront des naturalistes qui, à l'aube du xixe siècle, envisageront pour la première fois une nomenclature et un classement. Progressivement, ces travaux pionniers mèneront à la réalisation à la fin du xixe siècle d'un Atlas international des nuages dont la dernière édition, publiée par l'Organisation météorologique mondiale, paraît à la fin du xxe siècle. Nous retracerons ici cette histoire de la classification des nuages.

L'investigation scientifique des nuages naît au début du XIXe siècle avec les premières classifications. En 1802, dans l'Annuaire Météorologique pour l'an X, le naturaliste français Jean-Baptiste de Lamarck (1744-1829) est le premier à classer et à nommer les différentes « formes ou figures » que peuvent prendre les nuages : « Outre les formes particulières et accidentelles de chaque nuage, on remarque clairement que les nuages ont certaines formes générales qui ne tiennent nullement au hasard, mais à un état des choses qu'il est utile de reconnaître et de déterminer. »

Lamarck distingue d'abord cinq grandes familles : en forme de voile, attroupés, pommelés, en balayures et groupés. Deux ans plus tard dans son Annuaire pour l'an XII, il introduit une sixième catégorie « nuages en barre », puis six autres formes générales de nuages sont ajoutées dans l'annuaire de 1805 : « nuages brumeux » ; « nuages terminés » ; « nuages en lambeaux » ; « nuages boursouflés » ; « nuages coureurs » ; « nuages de tonnerre ». Lamarck subdivise la plupart de ces 12 formes au moyen de qualificatifs tel « clair », « obscur », « isolé » etc. Finalement, dans son dernier annuaire paru en 1810, il négligera l'importance des nuages boursouflés et attroupés pour ne retenir que dix grandes familles de nuages.

Alors que sa classification reste totalement ignorée, celle que l'Anglais Luke Howard publie en 1803 (après une présentation en conférence à l'Askesian Society en décembre 1802) sous le titre On the modifications of Clouds and on the Principles of their production, suspension and destruction, est reconnue dès la première décennie de sa parution ; elle est à l'origine de l'actuelle classification et Howard est aujourd'hui célébré comme « l'inventeur des nuages ». Avec ses travaux et ainsi qu'il l'écrivit, les nuages deviennent désormais les objets de « théories sérieuses et de recherches pratiques ».

Ses définitions sont plus concises et plus précises que les réflexions météorologiques de Lamarck. Le Français s'inspire des croyances populaires et exploite des données astrologiques jugées défavorablement par le monde savant de son époque et en particulier par l'empereur. En outre, Howard utilise une terminologie latine plus « internationale » que la nomenclature française de Lamarck. Les figures que l'Anglais ajoute à sa classification ont aussi aidé à sa meilleure compréhension.

Toutefois, dans la deuxième édition de son essai parue en 1832, Howard supprime ces figures. « J'avais, dit-il, dans ma...

 

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